Œil, le motif court dans une grande partie des tableaux.
Yeux lourdement soulignés de bleu, bouche rouge et belle, apparaissant dans des visages voilés d’une gaze, qui émergent d’un magma orange. C’est en réalité plusieurs exemplaires du même visage qui tournoient.
Est-ce encore un œil (iris mauve et pupille violette) qui éclaire une barque portant deux femmes en guimpe et robe de nonne noire ? Deux ou la même répétée, on ne sait.
Et cet autre tableau, figure-t-il un œil carré (iris verte et pupille brune de laquelle émerge un visage) – je vois des yeux partout.
Œil tendre d’un animal – cheval, âne peut-être – dirigé vers le bas, aux cils comme un rideau léger qui lui donne un air doux, ou modeste. Diptyque dans lequel figure une spirale de même teinte fauve qui pourrait être – pourquoi pas – le fond d’une pupille. Mais non, à bien y regarder, ce qui importe dans la spirale est qu’on en voit le grain : le minuscule détail de la touche produit l’impression d’un microcosme révélé. C’est un effet identique qui paraît dans ce même œil de bête, cette fois entouré de deux bandes granulées : l’agent et l’objet côte à côte.
Et cette femme en morceaux, au visage sévère ? Ne donne-t-elle pas une énigmatique clé de la circulation fantasmatique de ces œuvres ? Femmes, visages, yeux. Trois motifs, non exclusifs mais dominant la série. On venait voir, on est regardés. Par une femme secrète (voilée, enfouie), vulnérable (œil animal baissé), blessée peut-être.
Dame primitive nous interpellant du fond du temps, disjecta membra qui dit le féminin, l’affleurement et la mémoire.